GOOBYE OLD DAVE.

Ce lundi matin, ça ne va pas fort.
Je viens juste d’apprendre le décès de Dave Hlubek survenu la veille, dimanche 3 septembre 2017, seulement quelques jours après son soixante-sixième anniversaire. Le pauvre Dave a succombé à une crise cardiaque.
D’accord, son état de santé n’était pas des plus reluisants (les derniers temps, il jouait souvent assis sur une chaise) et il avait doublé son poids en dix ans. Á la grande époque, il avait multiplié les excès (bière, bourbon, cocaïne et même du crack). On connaissait aussi son goût immodéré pour la bouffe grasse (il rajoutait de la mayonnaise dans la confection de son pain de maïs pour le rendre plus moelleux et son poulet frit était devenu légendaire chez les adeptes du cholestérol). Il continuait de tirer sur la cigarette.
Mais soixante six ans, ça fait quand même jeune, même s’il a eu une vie bien remplie.

David Lawrence Hlubek naît le 28 août 1951 à Jacksonville en Floride. Il découvre Hawaï à l’âge de cinq ans, son père officiant dans la Navy. La famille Hlubek déménage ensuite pour Sunnyvalle en Californie puis San Jose.
Attiré très jeune par les vibrations du rock’n’roll qu’il entend à la radio, Dave veut à tout prix jouer de la musique.
Pas très argenté, il s’achète sa première guitare électrique, une Goldentone, aux magasins Rexall. L’instrument est équipé de quatre micros, d’une tige de vibrato aussi longue que la gratte elle-même et d’une corde en guise de sangle. Plus tard, il s’offre un petit ampli Silvertone, acheté chez Sears.
Rapidement, il fonde son premier combo, Something Else, très orienté vers le hard rock et le style britannique (les States subissent de plein fouet la British Invasion). Il économise autant qu’il peut (et pique aussi quelques sous dans le porte-monnaie de sa frangine) pour faire imprimer des cartes de visite du groupe.
Á peine âgé de douze ans, il donne son premier show à la Castro Junior High School de San Jose.
De nouveau muté, Papa Hlubek se réinstalle avec sa famille à Jacksonville en 1965.
En 1971, Dave obtient son diplôme et fonde un groupe local qui va faire parler de lui quelques années plus tard.
La suite, l’aventure de Molly Hatchet, tout le monde connaît (ceux qui auraient séché les cours peuvent bénéficier d’une session de rattrapage en lisant le disque à disque spécial Molly sur notre site).

Mieux qu’une longue analyse concernant Dave, quelques anecdotes (puisées au fil de ses rares interviews et sans ordre chronologique) permettront de cerner son style musical, sa psychologie mais aussi sa notoriété dans le monde du rock’n’roll.

Heureuse coïncidence, le premier album de Molly Hatchet est sorti le 28 août 1978, jour de son vingt-septième anniversaire.

En 1979, le manager de Reo Speedwagon demandait régulièrement à Dave si ses potes et lui pouvaient jouer moins fort quand ils assuraient leur première partie. Dave répondait invariablement par les mêmes termes aimables : « Fuck you ! ».

Dave a participé à la composition de tous les hits majeurs de Molly Hatchet.

Il a trouvé le titre « Flirtin’ with disaster » suite à un accident de voiture. La jeune femme qui le conduisait à une émission de télé s’était fait couper la route par un chauffard et avait défoncé un portail. Hors d’elle, elle avait hurlé : « Ce connard flirte avec le désastre ! ». Ayant trouvé cette formule originale, Dave en a fait une chanson. Ce morceau a servi de bandes sonores à de nombreux films comme « Monster » (avec Charlize Theron), « The Dukes of Hazzard » (tiré de la série TV « Shérif, fais-moi peur ») ou « Suspect zero ».

Il a composé tout seul « Fall of the Peacemakers », véritable hymne à la guitare et hommage à John Lennon.

Á la glorieuse époque, Dave jouait sur des amplis Peavey Mace.

Il a signé des contrats de partenariat et de publicité pour des grandes marques d’instruments (Peavey, Dean Markley, les guitares acoustiques Alvarez).

Sa photo a longtemps figuré sur les paquets de cordes Dean Markley Magnum.

Il a été l’un des premiers rockers sudistes à ne pas jouer exclusivement sur Gibson ou Fender en adoptant les fabuleuses six-cordes Hamer.

Une de ses guitares trône au Rock’n’Roll Hall of Fame de Cleveland, Ohio.

Il a toujours soutenu que Molly Hatchet n’était pas un groupe de « Southern rock » à proprement parler mais plutôt un groupe de hard rock issu du Sud des USA.

Son jeu de guitare a été directement influencé par le hard rock britannique des seventies. Adepte des amplis poussés au maximum, des tirés de cordes acrobatiques et des harmoniques provoquées au médiator, il s’est forgé un style personnel et immédiatement reconnaissable, semblable à des « étranglements de chat » (selon Jay Johnson qui a joué avec lui au sein des Southern Rock Allstars).

Avec l’énorme succès de l’album « Flirtin’ with disaster », les chèques de la maison de disques et l’encaissement des royalties, Dave est devenu millionnaire. Il a malheureusement tout perdu quelques années après.

Selon ses propres termes, il a transformé son corps en poubelle ambulante durant trente ans d’abus en tous genres.

Dave était très fier de ses deux fils Kyle et Aaron. Il leur faisait quelquefois la surprise de surgir dans leur salle de classe (après avoir tout de même prévenu les professeurs) pour les emmener en balade dans l’une de ses nombreuses voitures de collection.

Il entretenait une solide amitié avec les frères Angus et Malcolm Young d’AC/DC. Ces derniers lui avaient même conseillé d’enregistrer le quatrième album « Take no prisoners » dans les studios Compass Point situés aux Bahamas.
Il était aussi grand copain avec Ted Nugent, autre amateur d’amplis poussés à fond.

Il a refilé une prime astronomique à Boris Vallejo (l’illustrateur de la pochette de « Take no prisoners ») pour que son slip en fourrure donne l’impression d’abriter un sexe énorme.

Après son départ de Molly Hatchet (début 1987), il a fondé les Dixie Allstars avec Charlie Hargrett et Jackson Spires de Blackfoot ainsi que Billy Jones des Outlaws. Ce groupe a connu diverses variations pour aboutir aux Southern Rock Allstars.

Chose curieuse, il a cité « Dark side of the moon » de Pink Floyd comme étant son album favori. Il a aussi affirmé adorer tous les enregistrements de Cream.

Il a participé à de nombreux concerts caritatifs ainsi qu’au fameux « Jammin’ for DJB » destiné à lever des fonds pour payer les frais médicaux de Danny Joe Brown.

Il ne lisait pratiquement jamais et préférait regarder la télévision. Par contre, il appréciait énormément les peintures de Mark « Mazz » Mazzarella (un artiste capable, selon Dave, de retranscrire la beauté incomparable de la Floride).

Dave rigolait beaucoup chaque fois que quelqu’un essayait de prononcer le « H » de Hlubek (un nom d’origine tchèque ou polonaise) alors qu’il suffisait simplement de… ne pas le prononcer du tout.

Après tout ça, on peut dégager un certain profil du bonhomme.
Grande gueule au cœur d’or, amateur d’humour gras et déjanté, il pouvait passer à certains moments pour un mec bas du plafond mais il était bien plus fin que ça.
Et surtout, musicalement parlant, c’était un sacré guitariste, un pionnier de la deuxième vague du rock sudiste née à la fin des années 70.
Tour à tour agressive ou mélodique, enjouée ou autoritaire, sa guitare n’était jamais monotone et savait faire monter la pression.

Ayant eu la chance de le voir sur la scène de la Mutualité le 14 mars 1983, à seulement quelques mètres de moi, je peux clamer haut et fort que Dave était un vrai « Southern rocker » et un authentique « guitar hero ».
Jamais je n’oublierai ce concert ni la prestation de Dave ce soir là.
Tous ces souvenirs sont gravés pour toujours dans ma mémoire.
Á peine entrés dans la salle avec mes potes, l’apercevoir tranquillement assis sur scène à regarder d’un air amusé les petits « frenchies » venus pour Molly Hatchet.
L’entendre dire à un roadie des Outlaws que cet ampli, qui ronflait bruyamment, était une vraie merde et le voir lui refiler l’un des siens.
Le son de folie qui nous a scotchés dès le début du show.
Dave nous menaçant de nous botter le cul si on n’applaudissait pas plus fort.
Son solo d’anthologie sur « Gator country ». Sa déferlante mélodique sur « Both sides ». Sa guitare hyper rock’n’roll crachant les trois solos de « Sweet Dixie ».
Sa présentation des musiciens et son délire improvisé sur le début de « Sweet home Alabama ».
Sa démonstration infernale sur « Fall of the peacemakers ».
Les oreilles sifflantes pendant trois jours.
Le rêve devenu réalité.
Nous avions vu Dave Hlubek et Molly Hatchet sur scène. Une soirée extraordinaire ! Pour nous, Dave était la référence. L’homme qui fonçait sur l’autoroute de la vie pied au plancher, frôlant le désastre à chaque virage.
Son nom était synonyme de rock’n’roll, de talent et de grande classe.

Alors, pour tous ces excellents albums, pour tous ces morceaux intemporels, pour tous ces souvenirs et pour tous les bons moments que vous nous avez fait passer, MERCI Monsieur Dave Hlubek !

Vautrés dans les marais, les alligators n’ont plus assez de larmes pour pleurer leur tristesse.

Quelque part dans l’immensité infinie du cosmos, on se frotte les mains. La vieille Molly va renaître de ses cendres.
Dave est parti rejoindre ses vieux potes Danny Joe, Duane, Riff, Bruce et Banner.
Les étoiles n’ont pas fini de swinguer.

« Flirtin’ with disaster everyday ! »

Olivier Aubry

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